Hors Série — Nouveautés + Enters The English Language’s Magical World + 한국어?

« Eh, Clem ! T’es MEGA en retard ! »

Oui, c’est vrai, j’avoue. Tu as raison très cher lecteur, et il se peut que ma plume soit également rouillée, aussi excuse-moi par avance si mes mots sont plus maladroits qu’il y a quelques mois. Quand on se remet à l’écriture c’est comme rentrer prudemment dans l’eau de la piscine municipale : tranquillement, on se mouille d’abord les coudes puis la nuque et on y va. Alors, on y va ? J’ai tout plein de choses à te raconter, tiens, mets ta crème solaire. N’oublie pas de t’en tartiner le visage et les genoux. On va parler de nouveautés et d’été, ça promet !

Alors déjà, mon cher Louis-Etienne, figure-toi que le rythme de travail de mon université en Corée est très soutenu et que, de tout ce que j’avais imaginé et de tout ce à quoi je m’étais préparé mentalement, niveau somme de travail et surtout investissement personnel, c’était pire. Le temps m’a manqué, et j’ai préféré faire passer mes études avant mon loisir — l’écriture m’a tellement manquée, ça fait du bien de s’y remettre. Cependant, et fort heureusement pour ma santé tant physique que mentale… MON SEMESTRE EST FINI !

OUUUUUUUUUUUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Tu la sens la fatigue qui s’exprime, là ? Mais c’est en travaillant dur qu’on rentabilise un semestre à l’étranger, aussi ne regrette-je aucune de mes heures de travail — même si, sur le moment, je peux te dire que je ne disais certainement pas ça, hein, soyons honnêtes, même si je me concentrais le plus possible sur le positif — et je constate un progrès énorme de mon phrasé coréen : je trouve la méthode d’apprentissage de ma fac ici absolument géniale (on en reparlera dans un prochain épisode), et j’aurai vraiment aimé y rester un semestre de plus, voir une année, pour continuer à progresser autant et aussi vite. Malheureusement, ce n’est pas possible… toutes les bonnes choses ont une fin, dirons-nous, mais à toute fin son renouveau : il me reste à peu près un mois à passer en Corée, avec plein de temps libre pour écrire dans de jolis cafés et pour pouvoir profiter des amis merveilleux que je me suis faits ici.

Alors, comme ce blog c’est mon petit carnet à moi et que j’y fais ce qui me plaît, je vais continuer à écrire au fil de mes envies. Or, récemment, on m’a glissé que ce serait sympa si je pouvais aussi écrire en anglais, pour que les non-francophones puissent comprendre, ce qui me plaît assez comme idée. Je pense ainsi écrire chaque épisode en français et en anglais ; ils seront donc sûrement beaucoup moins long afin que tu n’abimes pas trop tes jolis yeux, très cher lecteur, avec d’abord l’épisode dans son intégralité en français, puis en anglais.

A chaque langue son phrasé et son rythme, comme tu as dû le remarquer — même en LV3 hiri motou — et si tu en parles une autre que ta langue maternelle, très cher lecteurs tu auras certainement remarqué que le ton de ta voix, ton débit, et même la façon dont tu parles, peuvent changer. Eh bien quand on écrit, c’est la même chose, et c’est pour ça que les traducteurs (littéraires, du petit ou grand écran ainsi que tous leurs collègues) et les interprètes sont des gens, selon moi, respectables et à respecter. On dira ce que l’on veut, traduire n’est pas facile, c’est tout un métier avec un million de règles que pas grand monde soupçonne au premier abord. Mon propos ici est que je suis loin de faire partie de ces êtres fabuleux qui traduisent pour toi toutes les séries que tu regardes et que tu trouves quand même vachement bien mon petit Roger-Baudouin. Ainsi, si tu parles français et anglais, tu auras le droit de me dire « Eh mais, c’est pas une traduction ce que tu fais, c’est pas des mots équivalents que tu emploies » et j’aurai le droit de te sourire, de te tapoter gentiment l’épaule et de te féliciter, parce que tu auras raison. Je vais écrire comme je le sens, pour raconter la même chose, mais pas forcément avec les mêmes mots ni le même style.

Et le coréen dans tout ça ? Je pense en utiliser un tout petit peu pour commencer. Au cas où mes professeurs tombent dessus… Je suis trop timide pour le moment, huhu. Peut-être en mettrai-je de plus en plus, peu à peu.

A venir aussi : toujours des astuces et des conseils, des recommendations de lieux à visiter, de cafés, de restaurants, des petites critiques et analyses de découvertes, de bonnes adresses, tout plein de choses, somme toute !

Enfin bref, tu m’auras comprise, damoiselle, damoiseau: je suis de retour ! Avec mes anecdotes, mes conseils et mes astuces que tu es libre de suivre ou pas.

Alors on se voit au prochain épisode ! Jusque là, fais bien tes devoirs, courage pour tes examens ou tes rattrapages, je te souhaite de réussir ce que tu as à passer et de profiter de ton début de vacances, parce que c’est le printemps mais qu’on dirait que c’est déjà en été, et je file d’ailleurs immédiatement inonder ma salle de bain de goshiwon pour en faire une pataugeoire.

Ciao~

 

 

ENGLISH TIME!
Well… hello there~

And welcome to my blog! Here, have a sit, take off your shoes, make yourself comfortable. Do you want some tea? Here you go. Cookies? Please, have some. Oh, you can call me Clem. Yup, that’s me! I have a lot to talk about, but I’m going to try and sum up as much as I can. Are you ready? Okay, let’s go then!

I’m a student — as you can read in the ‘Me?’ part of this blog — and I’m in South Korea right now. I’ve spent a semester in Hankuk University of Forgein Studies, Seoul, and now is in fact vacation time! Yaaay~

So I have a whole month ahead of me to rest, write, hang out with the marvelous friends I’ve made here and just roam around. And here, I’m going to write about my experience as a French exchange student in Korea. Yes, my dear Georgette, you heard me perfectly right! Experiences, anecdotes, feelings I could have regarding some random and less random situations, good places to visit, as well as tips and advice. I am certainly no expert or anything — yet! I might be a dothraki or klingon language expert someday, who knows? — so everything I will say here is only what I experienced first hand. And you might also come across a few names, such as Constance, Cam, and Clotilde while reading.

So that’s when you ask: « oh, Clem, who are these people? You shall introduce us as soon as possible, my dear! », and yeah, mmh… I don’t know, haha. They’re not real people. Well, you could actually say they’re me, but not like exactly me, kind of some parts of myself? Personified feelings. So let me introduce them one by one:

Constance is constantly — oh the joys of linguistics and french words imported into the english language a few centuries ago, how I love you — freaking and stressing out, and she has this mysterious power of making every new or unusual situation a panicking hell. She hates big crowds and the unknown and she can go berserk (the panic-attack way) in less than a micro second. Yup. For example, I got lost on the second day I was in Korea, and I almost cried in front of dozens of intrigued Koreans because of her. At that moment the thought of my remains sent back to my poor mama after some random policeman found them stuck between two rusty dustbins in a creepy and abandoned alleyway also crossed my mind because of her. But let’s not fault Constance that much: her way of thinking can be quite helpful sometimes and also keeps me from getting lost for real and forever, whereas Cam sometimes pushes me into trouble.

Because Cam, as you could have guessed, is the adventurous one: he loves roaming around a lot, and when he smells something fishy or completely unknown he HAS TO discover what’s up. Haha. He can be such a brat about that too: if I decide to ignore the source of his insatiable curiosity because I listen to Constance or Clotilde instead of him, he gets really frustrated and shuns us a lot. But thanks to him I discovered a lot of amazing places and things: when I was in Japan with my friends — you’re going to have to wait for the ‘Japan Episodes’ for this complete story my dear Georgette, sorry — he was the one to lead my attention to a little little path in Fushimi Inari, and my friends and I followed this little path up to another tiny, peaceful and wonderful temple we would not have been to if Cam wasn’t there.

And Clotilde? Well, Clotilde is like our mom, really. She’s the most mature one, maybe, and she’s the one finding solutions to every problem we can encounter in our adventures. Do you remember the Master Chief? Commander Shepard? Do they ring a bell? Yup, she’s just like them. With longer hair and no armour. A real lieutenant that likes to have her subordinates obey — that is to say, Constance, Cam and myself. Oh and do not ever try to make her lose her temper, oh no. When she’s angry she could… well, let’s say that if she had fought in The Lord of the Rings’ War of the Last Alliance, Sauron would have urinated his pants.

So! What all of us do together? We explore, of course. And I write on this very blog our adventures, as well as suggestions and everything I already talked about in the previous paragraphs. What should I add? Ah! Yes, because I’m French and started to write in French on this blog, you will find the English version of every episode below the French version. Aaaaaand that’s it. Oh, you could also probably see a little bit of Korean here and there, but not that much since I’m still studying and am quite shy and embarrassed about showing my skills, since I know there will be many mistakes, haha. There might be some in the English versions too actually, but I shall do my best to avoid any orthographic or grammar clumsiness!
And I think that’s it, really.

Well! My dear Georgette, I hope we meet again in the next article, the third episode of my Korean epic, for more adventures, more talking, more anecdotes and tips! Take care, have some more cookies, and be safe on your way home!

Bye bye~

 

 

한국어 타임!

안녕하세요~?

우와~ …좀…..부끄럽네요 ㅋㅋㅋ….

저는 클렘이라고 합니다. 만나서 반갑습니다~

2017년 첫 학기 때 한국외국어대학교에 교환 학생으로 공부했습니다.

여기는 내 블로그입니당~~~ ㅎㅎㅎ 환영하세요!

한국 교환 생활이 너무나 재미있어서 여기에서 내 교환 학생 모험 쓸 거라고 생각했는데 저는 한국어 배우고 있으니까 실수가 많이 있을 것 같습니다.. 그래도, 한국어 잘 하기 위해서, 열심히 쓸 겁니다!

이 블로그에서는 한국 생활 모험, 문화, 음식, 아름다운 곳에 대한 이야기가 많이 있을 겁니다. 그리고 저는 프랑스 사람이니까 불어로와 영어로도 쓰지만 불어나 영어에 비해서 한국어 덜 잘 해서 지금은 한국어로 그냥 특별하고 중용한 것을 쓸 겁니다.

그래도, 기대 많이 하세요~

오늘은, 여기까지~ (레페랑스 뭔지 압니까?? ㅎㅎ)

안녕~

 

(우리 제일 예쁜 일본 언니와 우리 제일 예쁜 일본 2D 반 친구한테: 오갠키대스카? 와타씨노 니혼고대스 wwwww 수미마샌 ww 지금부터 한국어 하자 ㅋㅋㅋ 내가 일본어 배우기 후에 아마 여기에서 일본으로도 쓸 거야! 기대해~)

Corée du Sud – Episode 2

« Mais…mais…MAIS C’EST PAS DU TOUT LA BONNE SORTIE DE MÉTRO ! ON EST OÙ ???? MAIS ON EST OÙ ????? OOOHH NOOOOOOOOON MAMAAAAAN !!!!!!! »

Vous êtes-vous déjà perdu à l’étranger ? Sans internet, sans téléphone, sans l’adresse de votre guest house, en plein vendredi, fin d’après-midi, dans une des plus grosses stations de métro que vous n’avez jamais connues ? Eh ben moi oui, mais comme la journée ne commence pas à cinq heures de l’après-midi, nous y reviendrons plus tard.

Oh je vous entends déjà : « Mais Clémence, ça se fait pas, nous on veut les détails intéressants, on s’en fiche de ta journée », et bien loin de moi l’idée de penser que tous les détails de ma journée de quidam puissent t’intéresser, Charles-Kévin, mais tu apprendras que dans la vie on n’a pas toujours ce qu’on veut quand on le veut, et que parfois il faut être patient, comme quand tu attends un épisode de How To get away with murder d’une semaine à l’autre. Sauf que, comme je suis quelqu’un de gentil, si tu veux passer les détails pratiques d’un voyage à l’étranger et les quelques conseils que je vais dispenser dans les prochains paragraphes, libre à toi, je t’en prie, vas-y mon chaton, après tout c’est aussi ce qu’il y a d’agréable avec la lecture : on peut faire avance rapide quand on veut comme on veut, et ça c’est quand même vachement bien. Mais je précise tout de même, à nouveau, que je vais donner quelques conseils dans les prochains paragraphes. Juste au cas où ça intéresse.

Bien. Tout le monde est prêt pour cette journée de folie, jolie mais durant laquelle j’aurai aimé rester dans mon lit telle une marmotte aigrie ? Allez, mes braves, trêve de logorrhée, c’est parti !

« On y va ? demande M.

– Vous avez tout ?

– Oui, c’est parti ! »

Nous quittons donc notre guest house, mes copines et moi, en milieu de matinée. Aujourd’hui, nous allons nous présenter à l’Ambassade de France en Corée, pour deux raisons très précises : premièrement, nous sommes deux à n’avoir malheureusement pas pu faire de procuration à un membre de notre famille — pour qu’il puisse voter à notre place pour les prochaines élections — avant de partir de France, donc il faut bien qu’on le fasse afin d’accomplir notre devoir de bonnes citoyennes, parce que c’est important. Et deuxièmement, pour nous signaler, pour dire « coucou, je suis là, si je me fais écraser ou que je trébuche sur un petit cailloux mal placé et que je meurs parce que mon crâne aura caressé le bitume un peu trop fort et se sera fendu en deux sur le coup, vous voulez bien ramener ma dépouille à ma maison ? Je suis sûre que ma douce maman en sera ravie ». Ce genre de choses-là.

Note d’exploratrice n°1 : toujours se présenter à l’ambassade de son pays quand on arrive à l’étranger, juste au cas où. L’ambassade ne va pas vous aider à trouver la boulangerie la plus près de votre hôtel, elle n’est pas faite pour ça, mais elle pourra vous aider en cas de problème majeur — par exemple, si vous vous faites arrêter, vous avez toujours le droit d’appeler l’ambassade de France afin de la prévenir et de demander à ce qu’elle prévienne votre famille, et vous pouvez également demander un interprète et faire appel à un consul qui sera chargé de veiller sur vos conditions de détention. Pour toute autre précision, je vous renvoie au site de l’ambassade de France en Corée, très bien fait et plein d’informations bien utiles. Du genre : rappelez-vous bien que les lois ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre et que si vous vous faites embarquer dans un pugilat saugrenu, il vaut mieux fuir que répliquer ; en Corée, la légitime défense n’existe pas et peut vous faire encourir les mêmes ennuis judiciaires qu’à votre agresseur.

Nous prenons donc le métro pour la deuxième fois et n’avons pas trop de mal à nous repérer, aussi Constance se décrispe-t-elle un peu, tandis que Clotilde me rappelle que mes amies et moi devons acheter une carte de métro, différente de celles que nous achetons pour un seul trajet.

« D’ailleurs, on les achète où les cartes de métro ? Les T-Money ? » demande-je.

Ces petites cartes ont un système vraiment simple : on les charge du montant qu’on désire, et on les passe à une borne en entrant dans le métro. On fait son trajet, et on la repasse en sortant : le coût du trajet est déduit du montant qu’on a chargé sur la carte. Pratique, certes, mais moins pratique qu’un abonnement. Si vous devez prendre le métro quatre fois par jour, vous payerez quatre fois le trajet. Eh oui. Heureusement que ce n’est pas trop exorbitant.

« Dans n’importe quelle supérette je pense, indique S.

– Il y en aura sûrement à côté de l’ambassade », assure H.

Je hoche la tête, et nous nous engouffrons dans le métro qui n’est pas si bondé que ça. Ça nous arrange bien, Constance et moi, parce que les yeux de la dragonne de la veille nous hantent encore. J’en ai presque fait un cauchemar ! Ah je vous jure, la vieille génération…

« En parlant du loup ! », s’exclame Cam en me désignant un monsieur assez âgé assis à quelques pas de là qui me regarde. Constance pousse un hoquet de surprise offusqué et m’agrippe à nouveau la main, et Clotilde lui tapote dans le dos en soupirant pendant que notre cher Camille fixe le petit vieux d’un air tout enjoué. Moi ? Oh moi je me méfie, on ne se refait pas vous savez… ce n’est pas au vieux renard qu’on apprend à voler des fromages. Mais j’avoue être un peu curieuse sur le coup : lui ne semble pas hargneux pour un sous, plutôt intrigué. Tiens ? Je fronce un peu les sourcils et esquisse un sourire léger. Ses lèvres ridées s’étirent, chaleureuses. Tiens ! Oh ben ça alors ! Serait-il là, bienveillance incarnée, pour contrefaire l’idée que je me suis faite des vieux coréens avec le regard qui tue de la vieille de la veille ? Ma foi, on dirait bien ! J’incline donc même un peu la tête pour bien lui faire remarquer que 1) je suis quelqu’un de polie et que 2) c’est bien à lui que je dis bonjour. Il répond aussi par une légère inclinaison, et je me sens soulagée. Il y a des exceptions partout, lui en est une, et j’en suis tout bonnement ravie.

« On descend ici ! », me rappelle H.

Ah mince ! Je n’ai même pas vu le trajet passer ! Eh bien, certaines personnes comptent les moutons pour s’endormir, d’autres comptent les petits vieux pour passer le temps dans les transports en commun, chacun son truc — même s’il faut avouer que compter les petits vieux est plus marrant ; les moutons, ça ne fait pas de tête étrange quand ça remarque que vous les observez.

On arrive devant l’ambassade de France, qui n’est franchement pas moche, il faut bien le dire. Joli toit de tuiles légèrement en pagode sur l’arche d’entrée des voitures, entre vert d’eau et bleu canard, finissions rouge sang un peu palot mais qui, étrangement, est vraiment agréable pour la rétine, murs blanc cassé qui soutiennent le tout très élégamment… ça se met bien à l’ambassade ! Nous entrons donc et donnons nos visas au gentil monsieur coréen de la réception/point sécurité, quand tout à coup…

« Et donc là je lui ai dit qu’il abusait un peu, franchement… »

OOOOHHHH !!!!!! Cam est tout excité à l’entente de notre mélodieuse langue française sortie d’une autre bouche que les nôtres, et il pointe pas très poliment du doigt une veste d’uniforme bleu marine et noire sur laquelle est posée un « gendarmerie » chatoyant que personne ne peut lire autrement qu’avec son meilleur accent marseillais. Mes copines et moi haussons les sourcils, et l’homme nous adresse un regard amusé :

« Etonnant de voir un gendarme à l’autre bout du monde, n’est-ce pas ? Dans chaque ambassade de France il y a une équipe de gendarmes français, qui se charge de la protection des employés de l’ambassade et de celle des ressortissants français. Vous n’avez pas appris ça à votre journée d’appel, hein ? »

En effet, je n’ai pas appris ça pendant la mienne. Mais ça fait plaisir de voir des français. En même temps, qu’espérer d’autre à l’ambassade de France ? Mmh…

Pour le coup, pendant que nous passons la sécurité et que nous marchons direction le consulat en suivant le petit chemin tout mignon bordé d’arbres jolis et plutôt verts pour ce moment de l’année, je me fais la réflexion : en France, j’ai plutôt tendance à me contreficher des autres français que je ne connais pas et que je croise dans la rue, exception étant s’ils me sont attrayants, pour une quelconque raison, ou s’ils viennent entamer la discussion d’eux-mêmes. Mais ici, il me semble important de noter ce phénomène à la fois étrange et fascinant dans mon petit carnet des curiosités du genre humain : le moindre francophone que je croise me parait un bout de maison, métonymie évidente, et c’est si facile et réjouissant d’aller amorcer le dialogue avec un « alors, tu viens d’où ? » que socialiser entre francophones devient tout naturel, et on se sent extrêmement proche les uns des autres pour aucune autre raison que notre nationalité. Je trouve ça aussi beau qu’étrange, sachant que, parfois, finalement, entre français on ne s’apprécie pas tant que ça.

En réalité, c’est tout bonnement rassurant de trouver quelqu’un qui vient du même endroit que soi. Mais, assez-t-il tout étant, la question se pose : ces personnes que nous abordons ne sont-elles pas que béquilles de nôtre peur de l’inconnu et de notre désir de nous sentir plus à l’aise dans un pays étranger ? Vous n’avez pas quatre heures, puisque la réponse dépend certainement de chacun ; je ne trouve aucun intérêt à copiner avec quelqu’un qui ne m’intéresse pas plus que ça uniquement pour rester dans une zone de confort, mais je sais que pour certains c’est justement très important et presque vital de pouvoir retrouver ladite zone de confort, qui est alors un peu comme une bouée de sauvetage rose bonbon clignotante avec écrit dessus « ne t’inquiète pas Jean-Kevin, tu n’es pas seul dans ce pays ». Constance, elle, a vraiment besoin de se sentir entourée de personnes qui pensent et agissent comme elle ; Camille, lui, s’en tamponne le coquillart. Qui a raison ? Ni l’un ni l’autre, je pense, tout dépend du goût de l’inconnu et du tempérament de chacun.

M’enfin, revenons à nous moutons/petits vieux !

Les personnes du consulat sont toutes françaises, et, clichés sur l’administration cocorico passés, nous constatons la rapidité de la procédure : M. et moi sommes deux à devoir faire une procuration et nous avons juste une petite fiche cartonnée rosâtre à remplir avant que le consul ne nous annonce que la procuration prend effet immédiatement. Nos sourcils sursautent de plaisir ; nous n’avons rien d’autre à faire pour activer la procédure, ni enveloppe à envoyer, ni courrier à rédiger, c’est tout bonnement superbe. C’est donc soulagées que nous ressortons de l’ambassade, dans laquelle nous sommes restées bien moins longtemps que prévu.

« Comme on a le temps, on peut peut-être se balader un peu ? propose H.

– Où ça ? demande S.

– On se promène, donc nulle part en particulier, on va juste explorer les petites rues, non ? »

Oh que oui, ça nous dit bien ! Je ne manque tout de même pas de prévenir les filles : si on se perd, je le leur ferai payer, puisque Constance plante déjà ses ongles dans mon bras tellement le stresse de se promener en terrain inconnu la submerge.

Fort heureusement, les ruelles coréennes dans lesquelles nous nous enfonçons ne sont ni glauques ni ultra étroites — Constance me fait parfois de petites crises de claustrophobie en plus de l’agoraphobie — et nous déambulons ainsi pendant une bonne demie heure, en plein inconnu qui commence à devenir familier alors que nous réalisons soudainement, à l’entente de nos estomacs grognant tels des wookies enragés, que faire des photos souvenirs rigolotes en plein milieu d’une ruelle en côte ça creuse quand même pas mal l’appétit !

 

0-sa-d4-573285d2fade227c9aad6b0ab6e631d2S., H. et moi posons comme de réelles professionnelles, habiles et fières de nos capacités de randonneuses plus ou moins asthmatiques arrivées à mi-côte. Je vous assure que cette côte est beaucoup plus raide que ce que vous ne pensez.

Nous décidons donc que, quitte à explorer, il faut explorer jusqu’au bout et se dégoter une petite guinguette typique qui ravira nos papilles autant qu’elle apaisera nos estomacs.

Nous entrons dans un petit restaurant dont le seul serveur s’active au milieu de la vingtaine de clients qui mangent tous en cinq minutes top chrono avant de laisser leur place à de nouveaux affamés — les coréens mangent vraiment très vite, surtout le midi, c’est un fait de société — et on arrive à capter son attention afin qu’il nous installe sur une table de quatre. Là, nous choisissons assez vite nos plats ; on décide d’en prendre un chacune et de tout partager, et, puisque je ne suis pas sûre de mon plat, je demande en coréen :

« C’est épicé ?

– Non, m’assure le serveur.

– Vraiment ? Ce n’est vraiment pas épicé, n’est-ce pas ? demande Clotilde, qui ne sent pas l’anguille sous roche mais bien le bélouga sous cailloux.

– Pas du tout !

– Pas du tout épicé pour de vrai, donc PAS. EPICÉ. c’est bien ça ?

– Absolument !

– Je vais prendre ça, alors. »

Clotilde ayant été là pour s’assurer, dans un coréen tout à fait intelligible, à mille pour cent que la chose n’était pas épicée, puisque je peux supporter à peu près autant d’épices qu’un nouveau né au palais en friche, je papote avec mes copines en attendant qu’on nous serve.

Mais voilà que, quelque minutes après notre commande, un réel Diabolus Ex Machina se pose sous mes yeux ébahis et ronds d’incompréhension : un plat de soupe monstruesque — ai-je déjà dit que j’aime les néologismes hyperboliques ? — d’un beau rouge écarlate me titille les narines de son odeur d’épices de la mort. Mes copines se raclent la gorge en riant jaune.

« Ça va aller ? » me demande gentiment H.

Comment dire… Constance hurle de peur dans mon dos et Cam me pousse le nez dans la soupe. Que dire ? Que faire ? Les images sont parfois plus fortes que les mots, alors je vous offre celle-ci :

 

IMG_20170217_154225_018N’empêche, si je trouvais un rouge à lèvres de cette couleur, je serai ravie. Sinon, vous avez vu les plats d’accompagnement ? C’est joli tout ça hein ? Et les poissons grillés…mmh~

Comme d’habitude, Cam, pas très gentleman, ignore totalement la pauvre Constance et attrape une bonne cuillerée de soupe de la mort pour me l’enfoncer dans le gosier. ET ! Etonnamment, ça ne pique pas ! C’est goûtu, savoureux, légèrement épic- …………………………..

Aïe.

Aaaaïïïeeee…………..çççaaaaaa……

BRÛÛÛÛÛLLLLEEEEEEEE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Note d’exploratrice n°2 : ne jamais, au grand jamais de toute votre vie, sous-estimer le pouvoir explosif des épices coréennes. Ah parce que oui, on n’y pense pas forcément quand on ne connaît pas bien la culture, mais les épices ils kiffent ça, si si ! Et puis, vous pouvez tomber sur un plat aux épices doucereuses qui vous font croire que ça va aller, MAIS NON ! Plus vous mangez, plus ça pique, et plus votre estomac transpire. Si si. En Corée du Sud, LE truc immanquable c’est le 고추 /gochu/, à savoir ce piment vert ou rouge à l’apparence inoffensif mais corrosif sur palais non habitués. On le mange d’une pléthore de façons différentes, que ce soit coupé en morceaux, en pâte, en sauce, ou en poudre, il est partout et tout le monde l’adore. Alors méfiance à ceux qui ne peuvent pas manger très épicé.

Enfin~ Comme j’ai la chance de voyager en groupe, et comme j’ai un joli joker en la personne d’une amie qui n’a pas peur des épices, H. me propose d’échanger les plats, ce que j’accepte évidemment immédiatement, puisque la cuillerée de Cam m’a déjà brûlée l’estomac au six cent soixante-sixième degré. H., si tu me lis actuellement, je ne t’en serai jamais assez reconnaissante ; cette soupe était délicieuse mais je passe mon tour, et j’essaye surtout de réanimer Constance qui tremble encore d’effroi. Je pense que les épices ont fait griller son cerveau, ce qui est est fort fâcheux.

Pour le coup, je me sustente des poissons merveilleusement bien grillés et toutes les saveurs qui s’en échappent me font des câlins aux papilles, toutes douces, légèrement salées, succulentes et ronronnantes, et je me sens mieux. Les plats d’accompagnement (반찬 /banchan/) sont aussi tous à mon goût, très variés et ils apportent tous une nouvelle nuance aux diverses bouchées que je prends ; j’ai l’impression de manger à la table d’un roi.

Et combien pour tout ce que nous avons avalé ce midi ? Le tout ne dépassait pas 20,000 Won (à peu près 16,50 euros). Eh oui. En Corée du Sud, on peut manger pour moins de deux ou trois euros par repas et manger très sainement et équilibré, tout en s’en mettant plein la panse. Voici donc de quoi convaincre les gourmands de venir faire un petit tour par ici.

« Ça fait du bien ! déclare M.

– Trop ! approuve S.

– On a bien mangé, c’est sûr. Je me sens en pleine forme ! »

Je hoche la tête, pas en si grande forme que ça de mon côté, et nous entamons une balade digestive afin d’explorer un peu plus ce quartier dans lequel nous nous trouvons.

« Ouaaiiis mais Clémence, t’abuses un peu, t’avais dit que tu raconterais la partie intéressante de ta journée, et là tu nous parles de gendarmes et de brûlures d’estomac, mais c’est pas intéressant et ça n’a rien à voir avec le sous titre de l’épisode 2 ! »

Eh bien voilà que tu te trompes Henri-Constantin ! Vois-tu, sans l’ambassade à l’administration impeccable et rapide nous n’aurions pas eu assez de temps pour nous balader et tomber sur notre guinguette de délices traditionnels, et sans ladite guinguette, pas de brûlures d’estomacs avec une seule bouchée — oui mon estomac est aussi faible que ça, honte à mon système immunitaire —, et sans brûlures d’estomac, pas de, après deux bonnes heures de balade, alors que nous sommes à présent dans le métro pour rentrer :

« Ça vous dit d’aller faire du lèche-vitrines à Shinchong ? Ou juste on se balade, on fait un tour là-bas ? ».

De la part de M., et pas de réponse enthousiaste de la part des deux autres tandis que je me contente d’un :

« Honnêtement je ne me sens pas bien, avec le décalage horaire etc, et puis là j’ai vraiment mal au ventre, je crois que je vais rentrer… »

De ma part. Eh oui. Tu les vois venir, les complications, mon cher ?

« Tu es sûre ? s’enquiert S.

– Oui… vraiment il vaut mieux que je rentre, je vais me reposer et comme ça je serai en pleine forme demain !

– Ça vaut peut-être mieux en effet, approuve H. Alors, nous on va sortir au prochain arrêt et toi à celui d’après, c’est Hongdae Ibgu (홍대입구), tu sais, la station qu’on a déjà pris plusieurs fois ?

– Je…crois ?

– T’inquiète pas, c’est facile, nous on descend à cette station et toi à celle d’après, la prochaine, tu as juste à descendre et à sortir, ok ?

– Oui…je crois ? »

Constance commence à s’agiter et s’agrippe à nouveau à mon bras, elle hyperventile déjà et Clotilde fouille dans son sac magique pour lui trouver une poche en plastique afin de lui faire contrôler sa respiration. Elle ne va tout de même pas nous tomber dans les pommes au milieu du métro, non mais ! Elle vaut mieux que ça, Clotilde s’agace en la secouant, instructeur de l’armée en train de réprimander un de ses bleus. Et Cam dans tous ça ? Oh, Cam il me fait confiance, et puis il est bien trop occupé à essayer de déchiffrer une publicité en coréen pour me servir de deuxième cerveau. C’est drôle, mais j’ai vraiment l’impression d’oublier quelque chose.

« Bon repose-toi bien, à tout à l’heure ! », me lancent les filles en sortant de la rame de métro, toutes guillerettes. Et moi d’étendre un sourire sur mes lèvres tremblantes d’appréhension pour leur dire de profiter de leur balade.

Ce qu’il faut savoir, c’est que nous sommes actuellement sur la ligne 2 du métro de Séoul, une des plus fréquentées, et que nous sommes vendredi, fin d’après-midi. Le métro est donc assez comble, aussi croise-je les doigts pour que le prochain arrêt arrive assez vite pour que je n’ai pas à supporter cette masse de quidams trop longtemps. Ha. Naïve que je suis.

« This stop is : Hongdae Ibgu. Hongdae Ibgu. The doors are on your left. », annonce la douce voix du métro.

Ah ! C’est là que je descends. Je me place bien comme il le faut derrière les personnes qui veulent aussi descendre, en ligne, sur les côtés des portes, et Cam me fait remarquer à quel point c’est serré, là, au milieu de tooouus ces gens que je ne connais pas. Ah, la si belle notion d’espace personnel envolée dès qu’il s’agit de transports en commun… Constance va me faire un malaise, je le sens. Clotilde la soutient toujours et tâche de la rassurer un maximum tandis que je tente de ne pas perdre Cam de vue alors que nous descendons et que… nous nous faisons emporter par la foule, qui nous traîne, nous entraîne, écrasés les uns contre les autres nous ne formons qu’un seul corps. Et le flot sans effort nous pousse et bref, ça fait pas plaisir. Heureusement qu’à cette station  les personnes âgées se font rares (le quartier étant étudiant) et que personne ne me pousse sans scrupule pour me dégager de son chemin. Et, alors que je monte l’Escalator, coincée entre deux jeunes intrigués par ma chevelure de blé, mes yeux se fixent sur le panneau des sorties.

Ah.

« Clémence ?

– .…Mmmh…?

– Ne me dis pas que tu as oublié de demander quelle sortie on devait prendre ?

– ………….oups ?

– OH MAIS C’EST PAS VRAI ! »

Constance s’étouffe avec l’air environnant et Cam meurt de rire sur la rambarde de l’Escalator, et Clotilde me rappelle qu’elle était trop occupée à gérer Constance pour avoir pensé à demander aux filles quelle sortie serait notre salut. Nous sommes complètement dans la chienlit.

« Attends attends, je crois me rappeler que la sortie c’était un numéro comme un quatre ou un neuf…

– Un quatre ou un neuf ?

– Je sais pas, j’ai oublié !

– Ben…essaye de te rappeler ! Allez, concentration ! »

Heureusement, dans ce genre de situation, Clotilde est là pour me faire garder les pieds sur terre. C’est pas la fin du monde, on respire et on y croit !

On se plante devant le panneau des sorties, en se fichant totalement, pour le coup, de boucher le passage, et on observe les numéros de sortie un par un. Ce qu’il faut savoir, aussi, avec moi, c’est que je n’ai jamais vraiment aimé les chiffres, les nombres, tout ça, c’est vraiment pas mon truc. Mon cerveau n’en a tout simplement rien à faire, surtout si c’est un seul chiffre d’une seule sortie d’une station de métro. Alors j’aurai pu avoir pris cette sortie un milliard de fois, la probabilité que je me souvienne du numéro plutôt que du chemin parcouru resterait minime. Et là, ça ne fait que deux jours que je suis arrivée à Séoul. Mmh…

« Je crois que c’était la 9. », je m’avance, tout en sortant de mon aparté mental et en remarquant les dizaines de personnes pressées qui fourmillent autour de moi.

Constance est dans le mal. Si elle survit à cet épisode, elle gagne automatiquement une place au Valhalla, c’est sûr. Cam prend les devants et nous prend la main pour essayer de nous rassurer tandis que Clotilde ferme la marche afin de mieux observer et de relativiser. La station de métro parait minuscule tant les passants sont aussi nombreux que pressés, et toute l’affaire me donne le vertige ; j’ai l’impression d’avancer au ralenti alors que je crois ne jamais avoir marché aussi vite de ma vie toute entière. Le coeur de Constance bat aussi fort que les talons de certaines femmes claquent sur le carrelage, et il me semble tout à coup possible de me noyer dans cet océan humain nerveux et exalté. L’effervescence est telle que je ne réalise même pas avoir marché dix bonnes minutes dans les sous-terrains avant d’arriver à l’escalier de la libération. La lumière de la fin de journée fait palpiter mon coeur, soulagé, et c’est avec une hâte que je n’ai connue depuis le Noël de mes cinq ans que je gravis les escaliers de béton qui me séparent de la liberté, suivie d’une Constance à bout, d’une Clotilde fière, et d’un Cam qui, étrangement, fronce les sourcils. Tiens ? C’est étrange, pourquoi est-ce que…

Je sors de la bouche de métro et mes yeux peuvent exploser tellement je les élargis de stupeur. Quoi ? Mais… Constance craque avant même que Cam n’ait pu ouvrir la bouche.

« Mais…mais…

– MAIS C’EST PAS DU TOUT LA BONNE SORTIE DE MÉTRO ! ON EST OÙ ????

– Heu…

– MAIS ON EST OÙ ?????

– Constance…

– OOOHH NOOOOOOOOON MAMAAAAAN !!!!!!! »

C’est à ce moment précis que j’ai droit au plus gros facepalm de Clotilde.

« C’était donc pas la 9. »

En effet… J’ai beau regarder autour de moi, je ne reconnais absolument rien, et je me retrouve toute bête à tourner sur moi-même une bonne dizaine de fois afin d’être sûre que je suis bien perdue. Au cas où ce n’était pas déjà assez évident. Enfin ! Constance pleure déjà à grosses larmes, Clotilde la prend en main et Cam vient me tapoter sur l’épaule pour me réconforter :

« C’est pas bien grave vas ! Essaye d’appeler ta mère ? »

Ah ! Bonne idée ! Je suis seule et perdue au milieu d’un océan humain, il va bientôt faire nuit, je m’autorise donc à dépenser mille euros de forfait en l’appelant depuis l’étranger. Mais encore faut-il que je puisse l’appeler ; je me retrouve à essayer d’entrer tous les numéros du monde pour établir une quelconque connexion téléphonique avec elle, sans résultat. Constance s’écroule.

« ON EST PERDUS POUR TOUJOURS !!!!! »

Comme quoi, je ne suis pas la seule à hyperboler. Bon. Je regarde si je peux avoir une connexion wifi….non. Impossible. Bieeeeen. J’inspire, j’expire. Clotilde est occupée à ramasser Constance à la petite cuillère, Cam et moi devons donc trouver une solution. A nous d’inspirer et d’expirer fortement pour nous calmer et nous remettre les idées au clair. Il propose :

« On n’a qu’à retourner à l’intérieur et demander à quelqu’un d’entrer l’adresse de la guest house sur leur portable, vive internet, et on est sauvés ?

– Bonne idée- attends…c’est quoi l’adresse de la guest house ?

– …

– Bande de boulets… »

Cette fois-ci, Clotilde nous juge pour de vrai, blasée, et soulève une Constance tétanisée sur ses épaules comme un vulgaire sac à patate avant de prendre les devants, direction l’intérieur du métro.

« Allez les nuls, courage ! Y’a pas trente-six mille guests houses qui ont le même nom que la notre, on va s’en sortir ! »

Ai-je déjà dit à quel point Clotilde pouvait être cool ? Un peu comme John, le Master Chief, ce bon Spartan 117 ? Voyez-la, là, en train de descendre les escaliers en petites foulées, la dépouille de Constance sur les épaules, slalomant gracieusement telle une biche entre les étudiants pressés de commencer leur week-end. Cam suit le mouvement comme un pro, et je tâche d’en faire autant en évitant un maximum de choir en chemin tant mes pieds sont confus de ma soudaine agitation physique.

J’avoue, j’ai eu les larmes aux yeux aussi en constatant que j’étais perdue, seule, et j’ai paniqué. Mais je suis fière de moi, parce que j’ai réussi à ne pas complètement paniquer, et que je suis actuellement en train de demander en coréen aux passants à l’intérieur du métro s’ils parlent anglais — impossible pour moi de donner une explication complète de la situation en coréen — alors que je hais m’adresser à des inconnus. Clotilde et Cam sont là pour me pousser, Constance est tellement dans les vapes qu’elle n’intervient même pas. Malheureusement, pas grand monde parle anglais, et je tourne en rond pendant une bonne demie heure bien complète avant de tomber sur mon sauveur.

Je commence à désespérer, et je me sens de moins en moins faire partie de la foule qui déambule autour de moi ; ma bulle s’est formée, et même Clotilde commence à manquer d’idées. Pourquoi ne pas faire toutes les sorties une par une ? Parce que c’est beaucoup trop long, et que mon ventre qui me tire et me brûle me presse depuis une bonne heure maintenant. Y’a des journées comme ça où rien ne se passe comme prévu.

« Attends, regarde ! », m’averti Cam en me retournant vers une dame qui a l’air de travailler dans le métro, gilet bleu sans manches, aussi intriguée par ma présence d’esprit déambulant que je le suis de son intérêt envers moi. On se fixe quelques secondes, elle fait un pas vers moi, je fais un pas vers elle. Oh ! Toute la pression commence à s’évacuer de mon corps, et je sens Clotilde et Cam se mettre à trembler aussi. Elle fait un autre pas, moi aussi. Soulagement intense, les larmes me remontent aux yeux et me voilà telle une groupie pré-adolescente devant le chanteur de ses rêves.

« Can I help you ? me demande la dame avec un sourire aussi doux et rassurant qu’un chocolat chaud plein de marshmallow au coin du feu une après-midi d’hiver.

– Y-Yes please ! I’m lost ! I don’t know where I have to go to go back to my guest house and I’m alone my friends are somewhere else…

– Okay no problem, give me the name of your guest house I’m going to call them to have more informations on how to get you there. »

Un vrai ange tombé du ciel. Plumes et bleus en moins, évidement.

Comment dire ? C’est curieux et marrant, ce genre de moment où, alors que vous avez perdu toute foi en l’humanité et en vos capacités, quelqu’un vient toujours vous relever et vous faire prendre conscience que, en fait, autrui n’est pas forcément une personne auto-centrée qui ne vous adressera la parole que si elle y trouve un intérêt personnel. Même, qu’autrui peut être aussi bon que détaché, et qu’il est des personnes qui seront toujours prêtes à faire un pas vers ceux qui en ont besoin.

Constance reprend conscience et la regarde les yeux pleins d’étoiles tandis que la dame me frotte gentiment le bras pour me rassurer ; la fatigue m’ayant rattrapée, je sens que si je me laisse aller je vais pleurer de soulagement, et la dame en est si consciente qu’elle m’offre un petit bonbon au caramel en me disant que ça va me faire du bien.

« C’est la quinquagénaire la plus adorable que j’ai jamais croisée ! » s’exclame Cam en se roulant par terre, au grand dam de Clotilde qui s’empresse de lui donner un petit coup de pouce du pied pour le faire rouler loin de nous. Et tandis que Cam roule-boule tout le long de la colline de l’adoration, la dame nous prend par le bras, Constance, Clotilde et moi, et suit les instructions de la personne de la guest house qu’elle a au bout du fil.

Cette fois-ci, le trajet sous-terrain dure plus de dix minutes durant lesquelles la dame et moi papotons allègrement, et j’apprends qu’elle est chinoise et qu’elle travaille en Corée depuis des années ; son coréen est tellement bon que je la pensais native. Et quand nous prenons les Escalators de la sortie 6 et que je ne reconnais pas notre environnement, elle me propose de m’accompagner plus loin dans la rue, ce que j’accepte évidemment mais non sans culpabiliser immédiatement, puisque je me dis qu’elle devra refaire tout le trajet inverse seule.

« Don’t worry, it’s better for me to go with you, I don’t want you to be lost again, I’m happy I can help you. »

Cam fond tellement il la trouve adorable, et j’avoue entendre mon coeur battre secrètement la chamade pour elle en cet instant précis. J’ai l’impression d’être en compagnie de ma grand-mère, vous savez ? Ce petit truc que certaines quinquagénaires ont et qui vous donnent l’impression qu’elles sont vos aïeules. Un joli baume au coeur fait de sourire rassurant et de bonté.

Finalement, elle me raccompagne jusqu’à la rue de ma guest house. Une fois qu’on y est elle me gratifie d’une bise très française et je la remercie également dans un chinois très approximatif, mais elle est touchée du geste et je lui apprends à dire ‘merci’. Si ça c’est pas un bel échange linguistique, je ne sais point ce que c’est, mes braves !

Je la regarde s’éloigner quelques secondes, et Cam mélange larmes et mucosités nasales sur mon épaule parce qu’il commençait à s’attacher à cette bienveillante dame qui avait aussi une veste d’uniforme carrément cool, me souffle-t-il. Constance est complètement vidée, et Clotilde et moi tirons nos deux camarades à l’intérieur de la guest house aussi rapidement que possible ; j’ai un besoin irrépressible de m’étaler sur mon lit aussi gracieusement qu’un lion de mer.

Un des jeunes adultes du staff est au comptoir et me voit rentrer :

« Hey ! Where are the girls ? How was your day ?

– I got lost on the subway, alone, in Hongdae Station, the girls went out for some shopping. I got out at the wrong exit but yaaay a lady found me and helped me, sooo…

– Oh right so it was her I got on the phone…

– Yup…

– But wait, which exit did you take first ?

– Well I didn’t remember which one was the right one and I thought maybe it was the 9th or the 4th but 9th sounded okay so…

– Oh well, you were right, the closest one is the 4th one, actually !

– ……………….…Damn me ! »

Note d’exploratrice n°3 : TOUJOURS SUIVRE SON INSTINCT. Peut-être éviterez-vous de vous perdre. Faites vous un peu confiance, non mais.

Mais en réalité : si je ne m’étais pas perdue, je n’aurai pas pu constater être capable de gérer ce genre de situations sans trop paniquer. Et puis je n’aurai pas non plus connu cette gentille dame, rencontre aussi brève qu’appréciable et douce.

Morale du deuxième épisode ? Méfiez-vous des épices, et perdez-vous dans le métro. De cette façon, vous pourrez valider la moitié des capacités requises pour être scout. Et vous pourrez avoir des réductions pour aller au musée. Ou visiter des palais plein d’histoires.

Des palais, comme celui de l’épisode 3, par exemple~

Corée du Sud – Episode 1

« Mes amies et moi réussissons donc à nous procurer des cartes de métro en baragouinant deux trois mots en coréen à une gentille dame de l’aéroport, et nous tirons nos valises de quatre-vingt-deux mille trois cent kilogrammes — hyperboler ? Moi ? Jamais… — avec autant d’aise et de facilité que Dali était sain d’esprit. »

Ah~ Séoul, la Corée du Sud, nous y sommes enfin !

Voilà, mes braves, que je me retrouve converses battant le carrelage de l’aéroport d’Incheon, après un vol de quelques onze heures et des poussières de nuages — vol qui s’est par ailleurs déroulé exactement comme je l’avais imaginé, SAUF pour ce qui est des petits chaussons qu’on nous a donnés en cabine, histoire de mettre nos petons bien à l’aise, ça, il faut bien le dire, je ne l’aurai conçu que dans mes rêves les plus farfelus.

« Vous réalisez qu’on y est ? », nous demande M. — nous sommes quatre amies de la même classe à avoir été sélectionnées pour un semestre d’échange : M., H., S. et moi.

Pour toute réponse, nos têtes, synchronisées, s’agitent de droite à gauche. Non, pas trop non, on a du mal à y croire même quand on y est, qu’on passe les portiques de sécurité et qu’on nous parle en coréen. C’est fou ça, non ? La plupart du temps, pour les évènements énormes du genre, on met un bon moment à prendre pleinement conscience de ce qui est en train de nous arriver. Serait-ce une façon, pour notre cerveau, de nous protéger d’un choc trop brutal ? Constance vous le dirait : elle, elle préfère qu’on lui annonce les choses exceptionnelles en douceur. Et, sur ce point là, peut-être n’a-t-elle point tord…

Prenons donc un exemple : préférez-vous être jeté dans une piscine d’eau gelée par Marcel l’armoire à glace IKEA levé du mauvais pied qui n’a certainement pas crié gare, ce malotru, et vous retrouver clapotant de vos mains peu agiles dans ce fatras glacial, ou préférez-vous que Marcel vous escorte gentiment à l’eau tout en prenant soin de vous mouiller la nuque, les bras, les épaules, tel un vrai gentleman ? Si le cerveau humain peut parfois s’apparenter à ce cher Marcel levé du mauvais pied, j’imagine que, pour les grands changements soudains, et pour éviter à notre Constance intérieure à tous de paniquer plus qu’elle ne le fait déjà, il préfère prendre des pincettes de barbe à papa et faire les choses doucement mais sûrement.

« Je commence mais…en fait non. » dis-je.

Vous voyez ? Et ce phénomène, est plutôt commun à toutes les personnes qui sont en échange, comme moi, ce semestre — oui oui, j’ai mené ma petite enquête. Alors même que je suis dans mon coffee shop préféré, en train d’écrire cet épisode, je ne crois pas avoir complètement réalisé être à plus de 9000 kilomètres de mon ancien quotidien. Peut-être cela viendra-t-il dans quelques mois ?

Enfin !

Mes amies et moi réussissons donc à nous procurer des tickets de métro en baragouinant deux trois mots en coréen à une gentille dame de l’aéroport, et nous tirons nos valises de quatre-vingt-deux mille trois cent kilogrammes — hyperboler ? Moi ? Jamais… — avec autant d’aise et de facilité que Dali était sain d’esprit. Et c’est ainsi que nous descendons Escalators sur Escalators, jusqu’à arriver à une des choses les plus surprenantes et à laquelle je suis sûre que vous ne vous attendez pas. Enfin peut-être que si mais bon.

Le métro, rempli….de….personnes….les yeux continuellement rivés sur leur téléphone portable ! Si si !

« Wow…c’était pas censé être un cliché ça ? me lance Camille — Camille, Cam pour les intimes, est mon intérêt pour les choses nouvelles ; ma curiosité pour le monde. Dites-lui bonjour, il est gentil, un peu trop plein d’énergie, mais c’est un bon gars.

– Ben…si…

– Haha ! Mais c’est génial ! Et Constance qui craignait le regard des gens ici ! Là au moins tu es sûre que personne ne te regarde.

– Ouais… ouais c’est vrai ! »

Mes copines et moi on ose même fixer cette population d’adeptes des nouvelles technologies un peu plus longtemps que la politesse ne l’aurait exigé afin de mieux l’étudier. Jeunes, moins jeunes, carrément énormément moins jeunes, tout le monde se concentre sur son petit écran, presque inconscient du monde et des personnes qui les entourent. N’est-ce pas fabuleux ? Extraordinaire ? La seule exception étant quelques personnes âgées qui…

« AAHHHH !!!!!!!! »

Constance me fait sursauter, au même moment où mes yeux, bleus et inhabituels pour la Corée, croisent ceux d’une vieille dame à l’air peu chaleureux.

« Elle…elle nous regarde ! »

Je te le fait pas dire ma petite Constance ! Elle nous fixe tellement, mes amies et moi, que je sens le malaise commencer à monter dans tout mon petit corps. Et puisque je ne dispose pas d’un cou rétractable ni d’une carapace de tortue arc-en-ciel volante et fabuleuse, la seule solution pour survivre à ce regard intrigué de velociraptor à la retraite en manque de sensations fortes — on dit que dévisager un étranger en essayant de ne pas cligner des yeux vaut trois sauts à l’élastique — me semble être de piquer du nez afin d’admirer inlassablement mes chaussures, qui, il faut bien le dire, paraissent alors un tout nouveau monde. Cam est d’ailleurs fasciné par cette nouvelle sorte de tâche noire qui en habille le côté, et Constance grignote une plaquette de chocolat en cachette pour essayer de se calmer. Je les laisse tous les deux au bout de quelques minutes, histoire de me mêler à la conversation animée de mes compères étudiantes.

M., H., S. et moi papotons tout le trajet durant, et on en profite aussi pour admirer le paysage que nous traversons si hâtivement ; c’est à la fois semblable et très différent de la France, dans le sens où les images que nous tâchons de graver dans nos esprits sont définitivement reconnaissables comme étant celles de paysages tout ce qu’il y a de plus banals entre deux grandes villes, mais, tout de même ! D’une certaine façon, que je ne saurai expliquer autrement que « ce n’est pas le même pays », tout semble si peu ordinaire. Même la carrière que nous brossons d’un appel d’air doucereux et qui nous répond en nous envoyant quelques grains de poussière pierreuse aux fenêtres me semble exotique.

Je me retrouve une vraie gamine, éberluée du moindre petit changement.

Le seul problème, c’est que nous sommes en retard pour nous enregistrer dans notre guest house, ce qui ne met pas M. très en joie.

« J’espère que ça va aller…

– T’inquiète pas vas, de toute façon ils ne peuvent pas nous laisser à la rue, on a réservé !

– Et puis même si on se retrouve à la rue, on trouvera une solution, c’est pas la seule guest house du coin.

– Mmh… »

Ça a vraiment du bon, de voyager à plusieurs. C’est rassurant, et on se sent beaucoup moins seul dans ce genre de situation où l’imprévu, si exaltant puisse-t-il être, nous met une pression énorme. Après tout, en principe, les coréens sont des gens très à l’heure. Si on dit « on se retrouve à 16h ? » c’est 16h et basta. Non Jean-Baptiste, tu ne pourras pas arriver comme un charme quarante minutes après l’heure posée sans excuse valable et échapper à quelques reproches poignants.

Mais bon, là, tout de même, je me dis que c’est une guest house et que, par conséquent, ils ont l’habitude des couacs et autres retards incontrôlables. Ils vont comprendre…non ?

« J’espère vraiment que ça va aller… », me glisse Constance, qui ne m’aide pas beaucoup à relativiser, pour le coup. Parce que la chose délicate, dans l’histoire, c’est que les indications pour aller jusqu’à la guest house sont un peu…

« C’est dans quel sens, du coup ?

– Ils disent que c’est à cinq minutes à pieds depuis la sortie du métro… »

Ah. C’est précis, comme indication. Sarcasme.

Nous voilà donc quatre jeunes françaises en terrain inconnu, exténuées après onze heures de vol plus une bonne heure de métro, tout juste sorties dudit métro, sans internet pour demander à Google de nous guider, nos Constances respectives toutes anxieuses à l’idée de s’aventurer dans la jungle urbaine sans direction précise. Et si S. et M. ont un sens de l’orientation assez probant, H. et moi…comment dire…nous demander de trouver la bonne direction dans ce genre de situation, c’est comme demander à un bodybuilder de faire des claquettes en jonglant avec des quilles en feu : c’est divertissant, pas très utile, et en général ça finit mal. La solution la plus évidente nous paraît donc la suivante :

« Bon, on va demander à des quidam de chercher sur leur portable où c’est. »

Très bonne idée. Pas de sarcasme cette fois-ci.

Et les personnes à qui nous demandons notre chemin — d’abord un jeune homme qui passe cinq bonnes minutes à essayer de nous dépanner (peut-être est-ce écrit sur notre visage et nos cernes que notre niveau d’énergie égale celui d’un escargot neurasthénique ?), puis deux jeunes femmes — ne parlent pas forcément anglais mais essayent tout de même de nous aider un maximum, ce qui change déjà beaucoup de la vieille dame du métro aux yeux de feu, et je sens même Constance se détendre un peu en même temps que ma foi en l’humanité remonte l’échelle de la joie. Ma petite Constance va se faire un thé à la camomille pendant que je regarde autour de nous.

La rue dans laquelle nous nous trouvons est assez étroite, mais celle qu’on aperçoit plus loin, parallèle à la notre, semble vraiment grande.

Et ça tombe bien ! C’est là que nous devons aller, nous indique une des deux jeunes femmes. On les remercie beaucoup elle et son amie et on fonce à mille trois cent quatorze à l’heure, hâtives et toutes flapies, nos valises, dont les roues grattent bruyamment le pavé coréen, aussi anémiques que nous. Et une fois qu’on arrive sur le trottoir de la grande rue qui s’agite devant nous, c’est la stupéfaction totale.

« Oooohla !

– C’est grand !

– Ah oui c’est grand !

– C’est immense !!! »

Jamais avant n’avais-je été aussi émerveillée de la largeur d’une rue. Vraiment, là, on se sent toutes petites. Vous voyez quand vous mangez une chips, et qu’une petite miettouille — c’est une toute petite miette — s’écrase sur le sol parce que vous mangez comme un sagouin ? Voilà, la miettouille, là, c’est moi. Camille est tout excité, et il me crie de jeter ma valise dans les jambes de quelqu’un pour faire une bonne impression des étrangers à Séoul et de fuir vers l’inconnu en hurlant « NON MAIS C’EST GARGANTUEEEESSSSQUE !!!!!!!!!!! » les bras battant dans le vide, histoire de paraître plus bête de foire encore que ce que je n’étais déjà.

« Non mais ça va pas ? Il faut se calmer là les enfants. Faites les choses dans l’ordre. », soupire Clotilde, la voix de la raison qui m’empêche assez souvent de me mettre dans l’embarras en suivant Cam. Elle a raison. Comme d’habitude. C’est pour ça que c’est la voix de la raison. Là, moi, j’ai surtout envie de me débarrasser de cette foutue valise et autre sac de cabine qui commencent à peser trois caribous morts au bout de mes bras.

« On traverse. »

S. et son sens de l’orientation sans défaut~ vous verrez au fil des épisodes qu’il nous a été d’une forte grande et heureuse utilité au cours de notre première semaine à Séoul. On traverse donc, en attendant bien que le feu piéton passe au vert, puisque nous ne tenons pas à mourir de manière totalement ridicule et absurde en nous faisant écraser par un chauffard comme cela arrive si souvent dans les dramas coréens, et on s’enfonce dans une autre petite rue, en scrutant tout ce qu’il y a autour de nous ; magasins, quidams, panneaux… Et cette fois-ci, nul besoin de demander notre chemin !

« C’EST LÀ !!! »

Notre joie explose en même temps que notre fatigue, et c’est toutes gloussantes et transpirantes que nous courrons les derniers vingt mètres qui nous séparent de l’entrée de la guest house, qui nous semble alors le Valhalla. Cam est fou de joie, Clotilde satisfaite, même Constance est sereine, et mes amies et moi n’attendons pas une seule seconde, ni pour prendre le temps de nous calmer, ni pour nous recoiffer un minimum, pour pousser la porte de la guest house et nous précipiter au comptoir. Toutes souriantes, les nerfs qui lâchent, on se retrouve face à trois jeunes hommes qui rient un peu devant tant d’enthousiasme de notre part, et le premier nous demande :

« Hey why are you guys so pumped up ?

– Because we’re late. It’s a French thing haha… »

Ce n’est pas du tout un truc français, je suis juste trop épuisée pour réfléchir avant de parler. Mais mon commentaire les fait rire, l’ambiance a l’air vraiment agréable, et M. s’occupe de leur expliquer que nous avons réservé pendant que H., S. et moi repartons chercher les valises que nous avons lâchement abandonnées à l’entrée. Méchantes nous.

Ils nous donnent les clés de notre chambre et nous invitent à les rejoindre, ainsi que les autres guests, dans le sous-sol au soir venu afin de faire connaissance, de manger et boire tous ensembles, ce que nous acceptons avec des sourires ravis qui traduisent certainement notre besoin intensifs de repos et de détente. Nous nous dégrouillons enfin vers le Graal — notre chambre — et, ENFIN, nous prenons pleines possessions de nos lits.

Puis nous soupirons à l’unisson.

Je sens que cette première semaine va être exceptionnelle !

Où va-t-on ce semestre ?

On en a tous une comme ça, une Constance aussi collante qu’un chewing-gum pré-mâché malencontreusement accroché à sa semelle et dont la date de péremption est passée depuis aussi longtemps que les cheveux de Justin Timberlake ne ressemblent plus à des nouilles instantanées.

« Demain ohlala demain c’est demain c’est demain ohlalalalalalala !!!!!!! », me dis-je, alors que je roule soigneusement mes socquettes Larva Larva afin de les glisser, Tetris aussi précis qu’hasardeux, à l’intérieur de mes baskets converses. Et je pense déjà à tout ce qui m’attend, là-bas, de l’autre côté du monde.

Plein d’aventures, les cours, des rencontres géniales… le dépaysement total ! Bon, un peu de paperasse administrative au début mais… oh et quelques problèmes et imprévus à gérer tout en étant seule à 9000 kilomètres de chez soi mais…

« Hey !

– Constance… »

Et mince. Toujours à surgir au moment opportun !

On en a tous une comme ça, une Constance aussi collante qu’un chewing-gum pré-mâché malencontreusement accroché à sa semelle et dont la date de péremption est passée depuis aussi longtemps que les cheveux de Justin Timberlake ne ressemblent plus à des nouilles instantanées. Mais, mille milliards de mille sabords, qui est-elle donc, cette Constance ? Eh bien, elle n’est personne. Mais elle personnifie à merveille les angoisses quelque peu envahissantes qui me grignotent les intestins à chaque fois que je perds confiance en moi ou en mes choix.

« Tu es sûre de vouloir y aller ?

– Ben…

– C’est loin quand même…

– C’est vrai mais…

– Et puis franchement, tu ne maîtrises pas trop la langue encore !

– Ouais mais…

– T’imagines tu te perds ? »

Oh, eh, ma petite Constance, tu te calmes. Tiens, prends un thé à la camomille et fiche-moi donc la paix pendant que j’essaye de me raisonner.

Sommes-nous bien d’accord ? Pouvoir passer un semestre à l’étranger est vraiment une occasion à saisir.

Pourquoi ?

Parce que, pour apprendre une langue, si on en a l’occasion, l’immersion est aussi utile qu’importante — surtout dans le cadre d’études telles que les miennes, portées sur les langues et la culture. C’est vrai, non ? Comment peut-on mieux apprendre que sur le terrain ? En terre inconnue — littéralement — où la culture, les moeurs, l’environnement sont si différents des nôtres que l’on ne peut qu’engranger connaissances sur expériences. Et où celles-ci, qu’elles soient positives ou négatives, nous apportent toujours un regard nouveau et changeant sur les choses qui nous entourent.

Et c’est vraiment ça que j’adore, qui m’a donné envie de faire ce semestre à l’étranger, tout cet aspect grande découverte et apprentissage constant. Peut-être même ma curiosité insatiable arrivera-t-elle à se repaître un minimum ?

« Mais quand même, c’est… »

Chut, Constance ! Vas donc semer tes pépins d’hésitation dans un autre jardin, le mien fait déjà potager comble. Je n’ai pas de temps à perdre avec tes bêtises, je sens qu’il va me falloir un bon quart d’heure pour réussir à fermer cette fichue valise…

Allez ! Pour ce semestre nous partons…

EN CORÉE DU SUD !